Il y a 20 ans, le serval était un animal inconnu du grand public. Depuis, on s’intéresse de plus en plus à lui et aujourd’hui, on le voit même régulièrement sur les réseaux sociaux. Il y en a même qui sont devenus célèbres ! Alors forcément, de plus en plus d’amoureux des félins se demandent s’ils peuvent en adopter un. Mais qui est vraiment ce joli félin ? Est-ce une sorte de chat ? Quel est son rapport avec le Savannah, cette nouvelle race de chat dont on parle ? Dans cet article, je voudrais vous proposer une réflexion sur ce qu’est réellement le serval et aussi d’y voir un peu plus clair sur toute la problématique qu’il y a autour de lui.
Sommaire
Qu’est-ce qu’un serval ?
Ce n’est ni une panthère, ni un guépard, encore moins un lion. Pourtant, il est bien plus grand que nos chats de maison, Maine Coons compris. Mais alors, qui est-il et quelle est sa place dans la famille des félins ?
Serval et chat : quel lien de famille ?
Dans la belle famille des félins, il y a 2 branches :
- les grands félins (Panthérinés) : tout le monde les connait (lion, léopards, tigres et panthères et jaguar).
- les petits félins (Félinés) : plus compliqué car il y a une dizaine de sous-branches dont celle de notre adorable chat domestique.
Le serval appartient lui à la 2ème catégorie et il est à lui tout seul une sous-branche des petits félins.
A LIRE AUSSI : Histoire de l’évolution des félins depuis leur apparition sur terre
Une parenté avec le Caracal
En fait, l’autre petit félin dont il est le plus proche dans l’histoire de l’évolution est le caracal. Car il y a bien longtemps, serval et caracal ont eu une origine commune et appartenaient tous deux à la lignée qui s’appealit caracal. C’était il y a 5 millions d’années tout de même. Toujours est-il que cette lignée a donné naissance à 3 sous-espèces :
- Caracal d’Afrique et Caracal d’Asie (Caracal caracal)
- Le chat doré d’Afrique (Caracal aurata)
- Serval (Leptailurus serval)
Ces 3 félins se retrouvent en Afrique, excepté le caracal qu’on trouve également en Asie.
Le serval est donc un cousin du chat domestique tout comme le chat de Pallas ou le chat des sables.
Mais peut-il être considéré comme un chat sauvage ?
Origine du nom
Historiquement, il y a eu une grande confusion pour reconnaitre et distinguer tous les petits félins les uns des autres. Il faut dire qu’il existe pas moins de 33 espèces réparties dans 5 continents ! Ainsi, pendant longtemps, tous les petits félins tachetés étaient appelés “chat-tigre”
Un peu plus tard, et jusqu’au début du 18ème siècle, le serval a été désigné par “caracal tacheté sans plumets”. Ce qui n’était pas dénué de sens puisqu’on a vu que caracal et serval ont un ancêtre commun.
Et c’est le naturaliste Buffon qui lui a donné son nom actuel, le confondant au passage avec le Chat pêcheur qui lui, est un chat sauvage d’Asie et non d’Afrique. Un joli méli-mélo !
En tous cas le nom de serval est resté.
A quoi ressemble le serval ?
Le serval est un félin haut sur pattes, à la silhouette mince et avec une petite tête. Voici ses principales caractéristiques :
- Pelage jaune/fauve tacheté. Sur le haut du corps, les tâches s’allongent en formant des bandes obliques. Il est possible de trouver des servals noirs mais ils sont plutôt rares (à noter : le serval noir est en fait atteint de mélanisme).
- De très longues pattes : proportionnellement, c’est le félin dont les pattes sont le plus longues.
- Un long cou : on surnomme parfois le serval “félin girafe”
- Une queue courte : 20 à 30 cm
- Très grandes oreilles arrondies : de ce fait, son ouïe est extrêmement développée. Il peut entendre le moindre bruissement de rongeur dans les hautes herbes. Ce qui est très pratique pour la chasse.
- Poids : 10 à 20 kg pour les mâles, 8 à 13 kg pour les femelles
- Taille : de 85 à 125 cm de long – Hauteur au garrot : environ 60 cm
- Espérance de vie : 11 ans dans la nature, jusqu’à 20 ans en captivité.
En ce qui concerne son gabarit, on peut se faire une idée rapide en disant qu’il est 3 fois plus gros qu’un chat domestique et 3 fois moins gros qu’un guépard. Il est donc à mi-chemin entre les deux.
Où le trouver ?
Le serval est un félin exclusivement africain et on le retrouve dans de nombreuses zones du continent. Celles qu’il préfère sont les régions herbeuses comme la savane ou bordées d’arbres et il lui faut un climat relativement humide, mais pas trop. C’est pourquoi il est complètement absent des déserts du Sahara mais aussi de la forêt équatoriale du centre de l’Afrique (bassin du Congo).
Chasse et mode de vie
C’est un animal solitaire et “raisonnablement” territorial. Comme il n’aime pas trop les affrontements avec ses congénères, il va plutôt chercher à les éviter, sauf à la saison des amours bien sûr.
En captivité, il faut donc prévoir soit un terrain suffisamment vaste, soit des enclos séparés.
A chaque gestation, la femelle porte 2 ou 3 chatons en moyenne mais comme chez beaucoup de félins sauvages, la mortalité est élevée chez les petits. Le jeune serval devient indépendant à l’âge de 8 mois : il quitte alors sa mère pour vivre à son tour en solitaire.
Le serval est un redoutable chasseur. Quand il a une proie en vue, son taux de succès est de 50%. De plus, son régime est assez varié : toutes sortes de rongeurs mais aussi des oiseaux, des poissons, des reptiles, des amphibiens et même des mammifères de la taille d’une petite antilope appelés dik-dik.
S’il est aussi doué pour la chasse, c’est qu’il dispose de sérieux avantages. Comme on l’a vu un peu plus haut, son ouïe est extrêmement fine. Mais son gros atout, c’est la vitesse. Il est capable d’atteindre 80 km/h. C’est le 2ème félin le plus rapide, après le guépard bien sûr, connu pour ses accélérations fulgurantes et sa vitesse de pointe de 110 km/h. En ce qui concerne le serval, c’est déjà une sacrée prouesse.
En prime, il a une étonnante capacité à sauter grâce à ses longues pattes. Ainsi, il peut faire des bonds de 6 m de long et de 3 m de haut, ce qui lui permet par exemple d’attraper au vol un oiseau qui tentait de s’échapper. En cela, il ressemble au caracal qui est le champion du saut !
Le serval : un animal dangereux pour l’homme ?
Si le serval a tant gagné en popularité ces dernière années, c’est qu’il est à l’origine d’une nouvelle race de chat hybride : le Savannah. Le but de cette race est d’avoir un chat domestique qui se rapproche physiquement le plus possible du serval avec un look sauvage.
Est-ce légal d’avoir un serval en France ?
Non, détenir un serval est illégal en France si on ne dispose pas de la formation adéquate et des autorisations administratives. Car le serval est concerné par les règles de détention d’animaux non domestiques de plus de 6 kg à l’âge adulte.
En bref, acheter un serval n’est possible que si :
- vous avez une formation de soigneur animalier avec le certificat de capacité adéquat.
- vous avez obtenu l’autorisation d’ouverture d’établissements d’élevage réglementés ou habilités à présenter des animaux d’espèces non domestiques au public (même si vous ne comptez pas ouvrir votre établissement au public, la règlementation est la même dans les 2 cas)
- vous disposez de tous les documents légaux pour son adoption (bon de cession ou facture) pour prouver que l’animal ne provient pas d’un trafic d’animaux sauvages.
En cas d’achat ou de détention illégale d’un serval, les sanctions sont très lourdes : peines de prison et fortes amendes.
Le Serval comme animal de compagnie
On lit parfois qu’en Égypte antique, le serval était considéré comme animal de compagnie. Cela est-il vrai ?
Pour mieux comprendre, il faut se remettre dans le contexte de l’époque. Je vous invite à lire l’article que j’ai écris sur le chat dans l’Égypte antique. Il détaille le rôle et l’expansion du chat domestique dans l’Égypte des pharaons ainsi que le culte de Bastet. A cette époque, 3 félins sauvages se côtoyaient :
- le serval
- le félis chaus (chat des marécages)
- le félis lybica dont sont issus génétiquement tous nos chats domestiques.
Il est probable que ces 3 félins sauvages étaient appréciés des égyptiens tout comme le chat domestique. Car ils jouaient le rôle essentiel de chasser tous les nuisibles et de protéger ainsi les récoltes.
D’ailleurs, parmi la multitude de momies de chats retrouvés, on s’est rendu compte qu’il y avait aussi des momies de ces espèces sauvages.
De plus, dans l’art égyptien, certains chats ressemblent beaucoup plus au serval qu’au chat domestique !
Ainsi, le Serval était très certainement présent dans la culture égyptienne en raison de sa ressemblance avec le chat, animal sacré.
Mais il n’était pas un animal domestique pour autant !
La problématique liée à la possession d’un serval “domestique”
Certes, quand il a été habitué très jeune à la présence de l’homme, il peut se montrer très affectueux et avoir un comportement proche d’un animal domestique.
Cependant, il s’agit bien d’un animal sauvage qui garde en lui un comportement de prédateur qui peut se réveiller de manière totalement imprévisible. De plus en grandissant, il est difficile de prévoir le caractère de tel ou tel serval. Certains seront très dociles. D’autres se révèleront ingérables pour une vie en intérieur.
Le chat domestique qui a environ 10 000 ans d’existence, a toujours vécu auprès de l’homme. C’est un animal domestique par nature, d’où le nom de son espèce.
Le serval est un animal sauvage depuis 5 millions d’années. Ce n’est pas en quelques générations qu’il deviendra domestique.
Il faut savoir qu’aujourd’hui, les refuges pour animaux sauvages sont débordés de demandes pour le serval. Parfois, ils les récupèrent à moitié morts, livrés à eux-mêmes dans les caves de propriétaires complètement dépassés par les évènements.
Pour rappel, le serval est 3 fois plus gros qu’un chat domestique. Alors les blessures qu’il peut infliger (morsures et griffures) sont dans la même proportion.
En résumé, si vous aviez le projet d’acheter un serval, abandonnez définitivement l’idée. S’occuper d’un tel animal, aussi beau soit-il, est une affaire de professionnels habilités à soigner les animaux sauvages.
Trafics d’animaux sauvages
Les trafics illégaux d’animaux sauvages ont toujours existé au fur et à mesure que grandissait notre attrait pour un animal de compagnie au look le plus exotique possible.
Or, parmi les félins sauvages, le serval fait partie des moins agressifs et des plus dociles. Une victime toute désignée pour des marchandages aussi lucratifs que répugnants. Il faut savoir par exemple que pendant le transport, une majorité de chatons serval meurent, comme c’est le cas dans la plupart des trafics d’animaux.
Mais, dans les années 1980 aux USA (et dans les années 2000 pour la France) c’est un évènement particulier qui a provoqué un engouement pour le serval en particulier : la création d’une race de chat hybride : le Savannah.
Serval et Savannah : une hybridation qui pose question
L’objectif de l’hybridation a pour but de créer un chat domestique qui ressemble au maximum au serval. C’est une démarche comparable à la création de la race du chat Bengal.
Cependant il existe une grosse différence entre ces 2 races hybrides.
Dans le cas du Bengal, l’hybridation d’un chat domestique avec un félis bengalensis (chat léopard d’Asie) n’a eu lieu qu’à la création de la race. Les hybrides non stériles de génération F1 (F pour “filiation”) ont été accouplés exclusivement avec des chats domestiques. A partir de la génération F5, l’animal a été considéré comme chat de race Bengal et donc, comme chat domestique. Désormais, toute hybridation avec le chat léopard d’Asie est formellement interdite. Le Bengal est maintenant une race à part entière et l’hybridation est à présent bien loin dans son arbre généalogique.
Pour le Savannah, la situation est différente car l’hybridation “serval x chat domestique” est toujours autorisée. Et c’est ici qu’est le problème. D’autant qu’il existe une réelle demande de chaton le plus proche possible de la génération F1 qui ressemble le plus au félin sauvage.
Du coup, un éleveur de Savannah voulant proposer des chatons F1 doit forcément avoir un serval.
Achat d’un Savannah
Cette nouvelle race de chat ne laisse pas indifférent. Il y a ceux qu’elle fascine car un chat Savannah proche des premières générations est vraiment plus grand que le chat traditionnel, y compris le Maine Coon (mais au moins, lui, est une race de chat naturelle !). Certes, il faut reconnaitre que son allure est superbe et originale. Mais si on veut un animal de compagnie qui se comporte réellement comme un chat et éviter les mauvaises surprises, mieux vaut prendre un chaton de génération F5 ou plus. Les générations précédentes ne sont pas des chats mais des hybrides.
Malheureusement, on assiste à des dérives qui sont préoccupantes. Car le prix d’un Savannah est très élevé
Prix d’un Savannah
Comptez entre 2000 et 30 000 €.
Les différences de prix s’expliquent par le choix de la génération : au plus vous vous rapprochez d’un F1, au plus le prix s’envole.
Après la génération F5, il se rapproche de celui d’un chaton de race non hybride.
Ces tarifs sont compréhensibles car l’élevage de Savannah est extrêmement complexe et coûteux, surtout si on propose des premières générations. Il y a plusieurs raisons à cela, spécifique à cette race :
- Avec l’hybridation, tous les mâles des premières générations sont forcément stériles
- Les durées de gestation sont différentes chez le serval et le chat, ce qui entraine souvent des naissances prématurées avec une mortalité importante des bébés.
- Ce type d’élevage nécessite un aménagement intérieur/extérieur particulier, surtout quand il y a présence d’un serval (enclos séparé de grande taille)
Sans parler de nourrir tout ce petit monde (et le serval ne se contentera pas d’un bol de croquettes !). Et bien sûr, il faut ajouter toutes les dépenses des élevages habituels.
Si le prix d’un Savannah de premières générations est si cher, cela signifie qu’une petite annonce proposant un prix anormalement bas est forcément douteuse.
Acheter un chaton Savannah : les dangers
Le Savannah fait l’objet de toutes les convoitises, alors bien sûr, quand le prix est si élevé, il y en a toujours qui s’engouffre dans la brèche pour profiter de la situation. Et on parle ici à la fois de trafic de servals et de chats Savannah.
Pire, la nouvelle tendance est de vendre à un prix moindre un chat Savannah F1….qui est en fait un serval ! Vous pensiez acheter un chat et vous vous retrouvez avec un animal sauvage. En prime, vous êtes en situation illégale.
Tout ceci montre combien il est facile de créer une confusion générale entre serval et Savannah.
En tous cas, comme pour tous les chats de race, n’achetez JAMAIS via des petites annonces sans visiter l’élevage. Vérifiez soigneusement que l’éleveur détient les certificats de capacité adéquats et a respecté toutes les obligations légales.
En résumé, si vous avez l’idée d’acheter un chaton serval ou un chaton Savannah, voici ce qu’il faut retenir :
- En France, pour un particulier, il est interdit d’acheter un serval
- Le serval n’est pas un chat domestique même si, en tant que félin sauvage, il est peu agressif. C’est ce qui permet à des professionnels comme les éleveurs, de l’apprivoiser beaucoup plus facilement.
- Le chat Savannah est l’hybridation d’un serval avec un chat domestique
- Le Savannah peut être considéré comme un chat domestique seulement à partir de la 5ème génération
- L’engouement pour la race Savannah a entrainé une forte hausse du trafic illégal de servals ainsi que de chatons hybrides
- N’achetez jamais hors d’un élevage sérieux et professionnel et ne répondez pas aux petites annonces, même si elles ont de superbes photos
Serval et Savannah : un problème pour environnement
Au début de l’article, on a pu voir que le serval était un chasseur extrêmement habile. Or, il transmet clairement ce talent aux chats Savannah.
Or il faut savoir qu’en France et ailleurs, les chats errants, beaucoup trop nombreux, sont déjà une vraie menace pour les oiseaux, dont la population diminue trop vite. C’est pourquoi, l’introduction d’un nouveau chat plus grand et surdoué pour la chasse, constitue un réel danger pour l’équilibre de l’écosystème.
En définitive, hausse du trafic de servals, propriétaires de faux Savannahs dépassés par les évènements, confusion entre des espèces domestiques et sauvages, menace pour l’environnement et l’écosystème : le jeu en valait-il vraiment la chandelle ? Au nom de notre bon plaisir de posséder un animal presque sauvage, faut-il continuer à pratiquer des hybridations de félins ? La question reste posée…